Mis en ligne le 13 Octobre 2010
Questions Fréquentes

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Drs Claire Dahyot-Fizelier & Olivier Mimoz

Service d’anesthésie-réanimation – CHU de Poitiers

2 rue de la milétrie, 86021 Poitiers cedex

 

Question 1 – A quel risque infectieux est exposé le splénectomisé ?

Question 2 – Quelles sont les modalités de l’antibioprophylaxie après une splénectomie ?

Question 3 – Quand effectuer la vaccination après une splénectomie ?

Question 4 – Quand débuter un traitement anti-infectieux curatif ?

Question 5 – Quelles informations donner au patient après une splénectomie ?
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Question 1 – A quel risque infectieux est exposé le splénectomisé ?

Chaque année, 6.000 à 9.000 nouveaux patients sont splénectomisés en France ; pour 47 %, l’indication est posée sur une pathologie sous-jacente (indication hématologique, tumorale ou hypersplénisme), 36 % sont des splénectomies d’hémostase (iatrogène ou traumatique) enfin 17 % le sont à visée diagnostique [1]. La rate est un organe lymphoïde et filtre le sang artériel splénique des agents pathogènes et des antigènes circulants. Elle possède également un rôle dans l’immunité innée (phagocytose des bactéries, activation du complément) et adaptative (production d’anticorps anti-polysaccharides capsulaires bactériens). Ainsi, son ablation ou sa dysfonction expose les patients à un risque infectieux qui est plus élevé dans les deux premières années post-splénectomie. Les autres facteurs de risque sont le jeune âge (< 5 ans), la présence d’une pathologie hématologique sous-jacente et l’immunodépression [2].

La pathologie la plus redoutée est le syndrome septique post-splénectomie (en anglais  « Overwhelming Post-Splenectomy Infection (OPSI) ») aux prodromes souvent aspécifiques et qui évolue vers le décès en 48 h dans 50 à 70 % des cas selon les séries. Les étiologies les plus fréquentes sont les pneumopathies et les méningites, mais dans 50 % des cas, aucune cause n’est retrouvée [3]. Les agents pathogènes encapsulés sont le plus souvent en cause avec par ordre décroissant de fréquence Streptoccocus pneumoniae, Haemophilus influenzae et Neisseria meningitidis [12].

[1] Legrand A. Ann Fr Anesth Reanim. 2005;24:807-13.

[2] Bisharat N. J Infect. 2001;43:182-186.

[3] Okabayashi T. World J Gastroenterol. 2008;14:176-179.

Question 2 – Quelles sont les modalités de l’antibioprophylaxie après une splénectomie ?

Cette antibioprophylaxie repose sur l’utilisation d’une molécule à spectre étroit, couvrant les bactéries impliquées dans les infections des aspléniques et bien tolérée [4].  La pénicilline V répond à ces critères, ainsi la phénoxyméthylpénicilline (Oracilline® : 1 million d’unité, 2 fois / j) a l’AMM depuis 2001 pour les patients « splénectomisés, drépanocytaires majeurs et les autres aspléniques fonctionnels » ; en cas d’allergie elle est remplacée par l’érythromycine (Erythrocine® : 500 mg en une prise). La phénoxyméthylpénicilline a montré son efficacité chez les enfants drépanocytaires puisqu’elle diminue dans cette population jusqu’à plus de 80% l’incidence des complications infectieuses et le portage des pneumocoques, sans qu’il y ait de bénéfice à la poursuivre après l’âge de 5 ans [5]. Chez l’adulte, le niveau de preuve de son efficacité est moindre mais compte tenu des données épidémiologiques et de la diminution du risque infectieux en cas de bonne observance [6], l’antibioprophylaxie reste recommandée [7].

Ainsi, elle doit être débutée en post-opératoire immédiat par de l’amoxicilline (Clamoxyl® : 500mg, 2 fois / j) si la voie orale est impossible avec un relais per os secondaire. Chez l’enfant, elle doit être poursuivie jusqu’à l’âge de 5 ans et peut être prolongée en cas d’infections ORL et/ou bronchiques récidivantes. Chez l’adulte ou l’enfant de plus de 5 ans, elle est recommandée pendant les 2 années post-splénectomie et peut-être prolongée en cas d’immunodépression ou de signes d’hyposplénisme persistant (corps de Jolly, thrombocytose).

[4] Gaston MH. N Engl J Med 1986;314:442-48.

[5] Falletta JM. J. Pediatr 1995;127: 685-90.

[6] El-Alfy M. Haematol J 2004;5:77-80.

[7] Spelman D. Intern Med J 2008;38:349-356.

Question 3 – Quand effectuer la vaccination après une splénectomie ?

Le pneumocoque étant l’agent pathogène le plus fréquemment retrouvé chez les patients aspléniques ou hypospléniques, la vaccination anti-pneumococcique doit être réalisée en cas de splénectomie. Une variabilité interindividuelle de la réponse vaccinale existe ; elle est liée à l’âge et à la pathologie sous jacente avec une moins bonne réponse chez l’enfant et en cas de pathologie hématologique [8910]. Néanmoins, la vaccination diminue l’incidence des infections post-splénectomie [1112]. Les vaccinations anti-Haemophilus et anti-méningocoque C ont été peu étudiés dans cette population.

Deux types de vaccin anti-pneumococcique existent : le vaccin polysaccharidique (Pneumo 23®) et le vaccin conjugué (Prévenar®). Le premier comporte 23 antigènes et couvre plus de 90 % des pneumocoques responsables des infections systémiques ; il induit une réponse dite « thymo-indépendante », faible chez l’enfant et chez le patient splénectomisé. Le second ne comporte que 7 sérotypes mais couvre plus de 80 % des souches responsables d’infections pneumococciques chez l’enfant de moins de 2 ans en France [1]. De plus, il induit une réponse anticorps dite « thymo-dépendante » permettant une efficacité dès les premiers mois de vie, il est donc préféré chez l’enfant.

Deux cas de figure se présentent :

  • En cas de splénectomie programmée : la vaccination anti-pneumococcique, anti-Haemophilus et anti-méningocoque C est recommandée et doit être réalisée au moins 15 jours avant l’intervention afin de permettre une réponse optimale [13] ;
  • En cas de splénectomie urgente : elle est classiquement préconisée 30 jours après l’intervention chirurgicale, son efficacité a néanmoins été décrite dès le 14ème jour chez les splénectomisés post-traumatique [1415].

Un rappel à 5 ans pour les vaccins pneumococcique et méningococcique est recommandé, il est plus discuté pour l’anti-Haemophilus [13]. La réponse immunitaire de cette population de patients étant altérée, une surveillance des anticorps spécifiques peut-être réalisée afin de proposer aux sujets peu répondeurs une revaccination précoce [9].

[8] Eigenberger K. Wien Klin Wochenschr 2007;119:228-34.

[9] Cherif H. Vaccine 2006;24:75-81.

[10] Overturf GD. Semin Pediatr Infect Dis 2002;13:155-164.

[11] Konradsen HB. Acta Paediatr Scand 1991;80:423-27.

[12] Ejstrud P. Scand J Infect Dis 2000;32:521-525.

[13] Mourtzoukou EG. Br J Surg 2008;95:273-280.

[14] Shatz DV. J Trauma 1998;1998:44;760-5.

[15] Shatz DV. J Trauma 2002;53:1037-42.

Question 4 – Quand débuter un traitement anti-infectieux curatif ?

L’antibioprophylaxie et la vaccination, même avec une bonne observance, ne protègent pas à 100 % le patient hypo ou asplénique d’une infection. Ainsi, en cas de signes cliniques d’infection, même débutante, il est recommandé d’instaurer une antibiothérapie curative par céphalosporine de 3ème génération, type céfotaxime ou ceftriaxone, afin de limiter la survenue de sepsis graves [16].

[16] Brigden ML. Crit Care Med 1999;37:836-842.

Question 5 – Quelles informations donner au patient après une splénectomie ?

Une des mesures préventives phare, mais insuffisamment mise en œuvre par les praticiens, est l’éducation des patients. En effet, seulement la moitié des patients ont  une connaissance satisfaisante de leur maladie et environs 1/3 effectuent un suivi médical régulier [1718]. Un effort d’éducation est nécessaire puisque les patients les mieux informés ont un risque de sepsis significativement diminué [6].

Après une splénectomie, le patient et sa famille doivent être informés du risque infectieux et de sa gravité, des situations à risque (voyages, morsures d’animaux), de la nécessité de consulter un médecin en urgence devant toute fièvre et d’avoir un suivi vaccinal strict. Une carte de splénectomisé doit lui être remise avant sa sortie de l’hôpital et certains ont préconisé une prescription d’antibiotiques dit « d’urgence » à disposition afin de permettre une automédication en cas de fièvre en attendant la consultation médicale [16]. Cette pratique ne repose sur aucune preuve, elle n’est donc pas recommandée.

[17] Corbett SM. J Trauma 2007;62:397-403.

[18] Wilkes A. Anz J Surg 2008;78:867-870.