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Mis en ligne le 16 Décembre 2002
Questions Fréquentes

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Pr Olivier MIMOZ
INSERM ERI-23, Université de Poitiers

 

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Question 1 – Quelle voie d’abord vasculaire choisir ?

Le choix de la voie d’abord nécessite une parfaite maîtrise des rapports anatomiques et la connaissance de leurs principales complications [1, 2, 3]. La voie sous-clavière est une veine facile à ponctionner, confortable pour le patient et ayant le risque infectieux le plus faible. Ses inconvénients sont essentiellement liés au risque élevé de pneumothorax, et plus rarement d’hémothorax ou de blessure de l’artère sous-clavière difficilement comprimable. Elle doit être privilégiée dès que la durée prévisible de cathétérisme dépasse 5 à 7 j et que le risque de barotraumatisme ou de ponction artérielle non compressible est acceptable. La veine jugulaire interne comporte deux principaux avantages : un taux de réussite de la ponction (85 à 90 %) et une vitesse d’apprentissage de la technique élevés. Ses principaux inconvénients sont : une sensibilité à l’hypovolémie, justifiant de mettre le patient en position déclive de 15 à 20°, voire de réaliser une expansion volémique, afin de dilater la veine et de faciliter sa ponction ; une fréquence élevée de complications infectieuses et de ponctions carotidiennes avec risque d’hématome cervical (5 %), et un risque faible de pneumothorax ou de lésion du nerf phrénique, de ponction trachéale ou oesophagienne. Elle est probablement la voie d’abord de choix lorsque la durée de cathétérisme prévisible est courte (période péri-opératoire). La voie fémorale est facile à ponctionner et comporte peu de risques immédiats. Elle présente, par contre, des risques septiques et thrombotiques secondaires élevés. Elle est donc à réserver à l’urgence (en l’absence de suspicion de lésion de la veine cave inférieure) et aux situations où un abord cave supérieur est impossible.

[1] McGee DC, Gould MK. Preventing complications of central venous catheterization. N Engl J Med 2003 ;348:1123-33
[2] Merrer J, Lefrant JY, Timsit JF. Comment optimiser l’utilisation des cathéters veineux centraux en réanimation. Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 2006 ;25:180-8
[3] Merrer J, De Jonghe B, Golliot F, et al. Complications of femoral and subclavian venous catheterization in critically ill patients : a randomized controlled trial. JAMA. 2001 ;286:700-7.

Question 2 – Quel antiseptique choisir pour la préparation cutanée ?

La qualité de la désinfection cutanée avant la réalisation du cathétérisme et durant les soins ultérieurs est une mesure préventive reconnue des infections liées aux cathéters. Une méta-analyse des huit études ayant comparé l’efficacité des solutions antiseptiques à base de chlorhexidine à celle de la povidone iodée en solution aqueuse à 10 % a montré que l’utilisation des premières permet de réduire de moitié le risque de colonisation et d’infection bactériémique des cathéters [1]. Ces résultats pourraient s’expliquer par une diminution des performances de la povidone iodée par les composés organiques présents au site de ponction cutanée et par un effet synergique avec l’alcool, notamment lorsque les concentrations de chlorhexidine sont ≤0,5 %. Cet effet synergique a également été retrouvé avec la povidone iodée. L’utilisation de la povidone iodée en solution alcoolique à 5 %, en remplacement de la povidone iodée en solution aqueuse à 10 %, entraîne une diminution de moitié du nombre de cathéters colonisés, malgré une concentration deux fois plus faible en povidone iodée [2]. L’efficacité de la solution alcoolique de povidone iodée a donc été comparée à celle de l’association de chlorhexidine à 0,25 %, de chlorure de benzalkonium à 0,025 % et d’alcool benzylique à 4 % dans les soins de 538 cathéters veineux centraux [3]. L’utilisation de la solution antiseptique contenant de la chlorhexidine a permis une réduction de l’incidence des cathéters colonisés (18,3 vs 9,7 pour 1000 cathéters-jours ; p=0,006), et une diminution non significative des infections bactériémiques (3,4 vs 1,4 pour 1000 cathéters-jours ; p=0,07). Ainsi, l’utilisation des solutions alcooliques de chlorhexidine doit être privilégiée, ce d’autant que leur coût et leur tolérance locale [4] sont comparables à ceux de la solution alcoolique de povidone iodée. Si la povidone iodée est choisie, seule la formulation alcoolique doit être utilisée.

[1] Chalyakunapruk N, Veenstra DL, Lipsky BA, Saint S. Chlorhexidine compared with povidone iodine solution for vascular catheter-site care : a meta-analysis. Ann Intern Med 2002 ;136:792-801.
[2] Parienti JJ, du Cheyron D, Ramakers M, Malbruny B, Leclercq R, Le Coutour X, Charbonneau P ; Members of the NACRE Study Group. Alcoholic povidone-iodine to prevent central venous catheter colonization : A randomized unit-crossover study. Crit Care Med 2004 ;32:708-13.
[3] Mimoz O, Villeminey S, Ragot S, Dahyot-Fizelier C, Laksiri L, Petitpas F, Debaene B,.Chlorhexidine-based antiseptic solution versus alcohol-based povidone iodine for central venous catheter care. Arch Intern Med 2007
[4] Caumes E, Le Maitre M, Garnier JM, Bricaire F, Crickx B. Clinical tolerance of cutaneous antiseptics in 3,403 patients in France. Ann Dermatol Venereol. 2006 ;133:755-60

Question 3 – Les cathéters imprégnés ont-ils leur place dans la diminution du risque infectieux lié au cathéter ?

La couverture ou l’imprégnation des cathéters par des agents anticoagulants ou anti-infectieux, en réduisant l’adhérence bactérienne et la production de biofilm, ont été proposées comme mesure de prévention des infections liées aux cathéters. Chez l’homme, l’utilisation de cathéters imprégnés d’héparine diminue effectivement le risque de thrombose sur le cathéter mais expose le patient au risque de thrombopénie induite par l’héparine. De plus, leur efficacité dans la prévention des infections n’est pas démontrée en réanimation adulte [1]. L’imprégnation par la chlorhexidine-sulfadiazine argent [2] ou par l’association minocycline-rifampicine [3] diminue le risque d’infection des cathéters de moitié. Cependant, bien que non démontrée, l’utilisation de ce type de matériau pourrait favoriser l’émergence de bactéries résistantes aux antiseptiques et/ou aux antibiotiques [4]. En particulier, l’utilisation de quantité sub-inhibitrice de rifampicine, qui reste un antibiotique majeur en cas d’infection sur prothèse, risque de favoriser l’émergence de bactéries résistantes. En conséquence, l’utilisation de cathéters imprégnés d’agents anti-infectieux ou d’héparine n’est pas recommandée en première intention [5]. L’utilisation de cathéters imprégnés de chlorhexidine-sulfadiazine argent est à réserver aux unités où l’incidence des infections liées aux cathéters demeure élevée malgré l’implantation et/ou le renforcement des mesures préventives recommandées. L’utilisation de cathéters imprégnés d’antibiotiques ou d’héparine est conditionnée par des études complémentaires.

[1] Long DA, Coulthard MG. Effect of heparin-bonded central venous catheters on the incidence of catheter-related thrombosis and infection in children and adults. Anaesth Intensive Care. 2006 ;34:481-4.
[2] Ho KM, Litton E. Use of chlorhexidine-impregnated dressing to prevent vascular and epidural catheter colonization and infection : a meta-analysis. J Antimicrob Chemother. 2006 ;58:281-7
[3] Falagas ME, Fragoulis K, Bliziotis IA, Chatzinikolaou I. Rifampicin-impregnated central venous catheters : a meta-analysis of randomized controlled trials. J Antimicrob Chemother. 2007 ;59:359-69
[4] McGee DC, Gould MK. Preventing complications of central venous catheterization. N Engl J Med. 2003 ;348:1123-33
[5] Timsit JF. Updating of the 12th consensus conference of the Société de Reanimation de langue française (SRLF) : catheter related infections in the intensive care unit. Ann Fr Anesth Reanim. 2005 ;24:315-22

Question 4 – Faut-il tunneliser les cathéters ?

La tunnélisation consiste à faire émerger le cathéter dans une zone où il est facile de le fixer, d’éviter ses mouvements et de réaliser facilement un pansement occlusif. Elle permet, par ailleurs, d’obtenir un point de sortie cutané loin d’une zone plus fortement colonisée par des agents infectieux : pli de l’aine en cas d’abord fémoral, zone de barbe en cas d’abord jugulaire interne, trachéotomie en cas d’abord sous-clavier, zone de brûlure, de lacération cutanée, cellulite ou toute autre source potentielle d’infection quel que soit le site d’insertion du cathéter veineux central. La tunnélisation diminue le risque de colonisation et d’infection des cathéters jugulaires internes [1] et fémoraux [2,3], et n’a pas d’intérêt pour les cathéters sous-claviers [4]. Son efficacité est maximale en cas de cathétérisme de courte durée (<30 j), où il existe une forte corrélation entre la colonisation cutanée, celle du cathéter et la survenue d’une infection sur cathéter. Elle permet également de sécuriser la fixation du cathéter. En pratique, la tunnelisation est utile dès lors que la durée prévisible de cathétérisme dépasse 5 à 7 j et que la voie sous-clavière est inaccessible ou contre-indiquée.

[1] Timsit JF, Sebille V, Farkas JC, et al. Effect of subcutaneous tunneling on internal jugular catheter-related sepsis in critically ill patients : a prospective randomized multicenter study. JAMA 1996 ;276:1416-20
[2] Timsit JF, Bruneel F, Cheval C et al. Use of tunneled femoral catheters to prevent catheter-related infection. A randomized, controlled trial. Ann Intern Med 1999 ;130:729-35
[3] Nahum E, Levy I, Katz J, Samra Z, Ashkenazi S, Ben-Ari J, Schonfeld T, Dagan O. Efficacy of subcutaneous tunneling for prevention of bacterial colonization of femoral central venous catheters in critically ill children. Pediatr Infect Dis J. 2002 ;21:1000-4.
[4] Randolph AG, Cook DJ, Gonzales CA, Brun-Buisson C. Tunneling short-term central venous catheters to prevent catheter-related infection : a meta-analysis of randomized, controlled trials. Crit Care Med. 1998 ;26:1452-7.

Question 5 – Peut-on faire le diagnostic d’infection en laissant le cathéter en place ?

La culture de l’extrémité endo-vasculaire par une technique quantitative est la méthode de référence pour le diagnostic d’infection du cathéter, mais conduit à l’ablation injustifiée de celui-ci dans au moins 3 cas sur 4. Afin de réduire le nombre de cathéters enlevés à tort, plusieurs techniques alternatives ont été développées. Elles ne s’adressent néanmoins qu’aux situations où l’infection est bien tolérée et le risque d’endocardite faible. La culture du point d’entrée du cathéter est simple à réaliser, et présente une bonne valeur prédictive négative, supérieure à 90 %, autorisant le maintien du cathéter lorsqu’elle est stérile [1]. En revanche, sa valeur prédictive positive est médiocre. La culture du pavillon présente peu d’intérêt en réanimation. Elle reflète le mécanisme de contamination du cathéter par voie endoluminale observé avec les cathéters de longue durée utilisés en nutrition parentérale et en onco-hématologie [1]. Le délai différentiel de positivité des hémocultures nécessite que le laboratoire puisse déterminer avec précision le moment de positivité des hémocultures, ce qui devient facile avec la généralisation des automates. Elle consiste à comparer le moment de positivité d’une paire d’hémocultures prélevée de façon simultanée sur une veine périphérique et via le cathéter suspect. Un délai de positivité de l’hémoculture périphérique par rapport à celle centrale ≥120 min a une sensibilité de 94% et une spécificité de 91% pour prédire une infection bactériémique lors des cathétérismes de longue durée [2]. Des résultats discordants ont été rapportés avec les cathéters de réanimation de plus courte durée [3,4], expliquant que cette méthode ne se soit pas encore généralisée. L’intérêt des hémocultures quantitatives a été peu étudié en réanimation et leur coût élevé ne favorise pas leur utilisation.

[1] Guidet B. Nicola I. Barakett V. Et al. Skin versus hub cultures to predict colonization and infection of central venous catheter in intensive care patients. Infection 1994 ;22:43-8
[2] Blot F, Nitenberg G, Chachaty E, et al. Diagnosis of catheter-related bacteraemia : a prospective comparison of the time to positivity of hub-blood versus peripheral-blood cultures. Lancet 1999 ;354:1071-7
[3] Chatzinikolaou I, Hanna H, Hachem R, Alakech B, Tarrand J, Raad I. Differential quantitative blood cultures for the diagnosis of catheter-related bloodstream infections associated with short- and long-term catheters : a prospective study. Diagn Microbiol Infect Dis. 2004 ;50:167-72.
[4] Rijnders BJ, Verwaest C, Peetermans WE, et al. Difference in time to positivity of hub-blood versus nonhub-blood cultures is not useful for the diagnosis of catheter-related bloodstream infection in critically ill patients. Crit Care Med 2001 ;29:1399-403.

Pr Olivier MIMOZ