Mis en ligne le 30 Septembre 2011
Questions Fréquentes

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A Roquilly, Pierre Joachim Mahé, K Asehnoune
CHU de Nantes
Service d’anesthésie réanimation
Hôpital Hôtel-Dieu
1 place Alexis Ricordeau
44093 Nantes Cedex 1
Email : karim.asehnoune@chu-nantes.fr

 

Question 1 – Quel est le rationnel à l’utilisation des glucocorticoïdes en situation de choc ?

Question 2 – Comment évaluer l’axe corticotrope, quelle est la définition d’une insuffisance surrénalienne en réanimation ?

Question 3 – Quelles sont les limites de l’exploration endocrinienne en réanimation et interactions médicamenteuses ?

Question 4 – Quelles sont les indications des glucocorticoïdes dans le choc septique ?

Question 5 – Existe-t-il d’autres indications des glucocorticoïdes dans les situations de choc en dehors du choc anaphylactique ?
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Question 1 – Quel est le rationnel à l’utilisation des glucocorticoïdes en situation de choc ?

Les mécanismes d’adaptation de l’organisme doivent lui permettre de faire face à une grande diversité de stress tel qu’un traumatisme, un sepsis ou une chirurgie lourde. L’axe corticotrope joue un rôle essentiel dans cette réponse à l’agression. En effet, le rythme nycthéméral de sécrétion du cortisol est aboli et il existe un hypercorticisme initial qui constitue un mécanisme essentiel d’adaptation aux situations de choc (1). Le cortisol active la néoglucogenèse et la lipolyse, induit une résistance à l’insuline dont le but est d’élever la glycémie pour favoriser l’apport de substrats aux organes nobles (2). Le cortisol joue également un rôle important de régulation hémodynamique. Il sensibilise les récepteurs périphériques des amines vaso-actives (2) et abaisse le seuil d’extraction maximal d’oxygène du sang, ce qui favorise l’oxygénation tissulaire même en cas de bas débit sanguin. L’ensemble de ces phénomènes a pour but d’augmenter la perfusion des organes et d’accélérer la cicatrisation tissulaire en cas de choc traumatique. En réanimation, le pic initial de cortisolémie est corrélé à la gravité des lésions. Paradoxalement, chez les patients les plus graves, une cortisolémie basse est aussi un critère prédictif d’évolution défavorable. Selon les pathologies, 25 à 65 % des patients développent une insuffisance surrénalienne. Cette insuffisance surrénalienne est à la fois d’origine haute et basse et son étiologie n’est pas connue. L’hydrocortisone joue un rôle essentiel dans le maintien d’une pression artérielle adéquate en permettant une rétention hydro-sodée avec augmentation de la volémie, augmentation des résistances vasculaires systémiques, stimulation du système rénine-angiotensine et du système nerveux sympathique.

1.         Annane D, Cavaillon JM. Corticosteroids in sepsis: from bench to bedside? Shock. 2003 Sep;20(3):197-207.

2.         Hoen S, Mazoit JX, Asehnoune K, Brailly-Tabard S, Benhamou D, Moine P, et al. Hydrocortisone increases the sensitivity to alpha1-adrenoceptor stimulation in humans following hemorrhagic shock. Crit Care Med. 2005 Dec;33(12):2737-43.

 

Question 2 – Comment évaluer l’axe corticotrope, quelle est la définition d’une insuffisance surrénalienne en réanimation ?

En réanimation, une cortisolémie basale inférieure à 3 μg/dl définit une insuffisance surrénale absolue. L’évaluation de la fonction surrénalienne chez des patients de réanimation se fait actuellement par un test standard au Synacthène® (250 µg IVD d’ACTH et cortisolémie à T0 et T30 minutes) (1). La perte du rythme nycthéméral permet la réalisation de ce test sans les contraintes horaires usuelles. La plupart des études publiées définissent une insuffisance surrénalienne relative (ISR) par une cortisolémie de base inférieure à 10 µg/dl ou par une augmentation inférieure à 9 µg/dl lors du test au Synacthène® (2, 3). Une altération de la réponse à l’ACTH signifie que les glandes surrénales ne peuvent plus s’adapter à un stress important. Le test dynamique à la métopyrone est contre indiqué en réanimation puisqu’il entraîne une insuffisance surrénale absolue en inhibant la 11 β-hydroxylase.

1.         Annane D, Sebille V, Troche G, Raphael JC, Gajdos P, Bellissant E. A 3-level prognostic classification in septic shock based on cortisol levels and cortisol response to corticotropin. Jama. 2000 Feb 23;283(8):1038-45.

2.         Annane D, Sebille V, Charpentier C, Bollaert PE, Francois B, Korach JM, et al. Effect of treatment with low doses of hydrocortisone and fludrocortisone on mortality in patients with septic shock. Jama. 2002 Aug 21;288(7):862-71.

3.         Hoen S, Asehnoune K, Brailly-Tabard S, Mazoit JX, Benhamou D, Moine P, et al. Cortisol response to corticotropin stimulation in trauma patients: influence of hemorrhagic shock. Anesthesiology. 2002 Oct;97(4):807-13.

 

Question 3 – Quelles sont les limites de l’exploration endocrinienne en réanimation et interactions médicamenteuses ?

De nombreux médicaments peuvent perturber les résultats des tests. L’etomidate inhibe la synthèse de cortisol. Une injection unique est responsable d’une insuffisance surrénale relative pendant une durée de 8 à 24 heures (1). Un test au Synacthène® n’a donc une signification que s’il est réalisé au minimum 8 heures, au mieux 12 heures après une injection d’etomidate. L’utilisation de dopamine diminue la sécrétion et la fonction anté-hypophysaire dans son ensemble, ce qui peut fausser le test au Synacthène®. L’utilisation de dopamine est donc à prendre en compte pour l’interprétation des dosages.

1.         Vinclair M, Broux C, Faure P, Brun J, Genty C, Jacquot C, et al. Duration of adrenal inhibition following a single dose of etomidate in critically ill patients. Intensive Care Med. 2008 Apr;34(4):714-9.

 

Question 4 – Quelles sont les indications des glucocorticoïdes dans le choc septique ?

·        Rationnel d’utilisation

Dans le cadre du choc septique, les patients dits « répondeurs » au test au Synacthène® élèvent leur cortisolémie de plus 9 µg/dl alors que les patients « non répondeurs » en sont incapables. Le pronostic des patients « non répondeurs » est moins bon que celui des patients « répondeurs » (1). En 2002, un autre travail a montré, chez des patients en choc septique réfractaire au traitement initial, qu’un traitement par hydrocortisone à dose « physiologique » associé à un minéralocorticoïde (fludrocortisone) permettait de baisser la mortalité de 63 % à 53 % (RR 0,67, IC95% [0,47-0,95]) et de sevrer plus précocement les amines vaso-actives (2). En 2008, l’étude CORTICUS ne parvient pas à retrouver les mêmes résultats puisque cette fois la mortalité n’est pas modifiée par le traitement (39 % versus 36 %, p=0,69) (3). Trois remarques importantes expliquent que CORTICUS n’ait pas validée les résultats obtenus précédemment :

1. l’inclusion de l’ensemble des patients prévus initialement n’a pas été réalisée du fait du résultat d’une analyse intermédiaire ;

2. la mortalité du groupe contrôle est plus faible que dans l’étude initiale (63 % versus 39 %) ce qui traduit l’inclusion de patients moins graves que dans l’étude princeps ;

3. le délai d’inclusion des patients était de 72 heures versus 8 heures pour l’étude princeps ce qui a amené à inclure des patients avec des défaillances d’organes déjà installées (3).

 

·        Quelle dose et quelle durée ?

Les glucocorticoïdes sont utilisés dans les états septiques à des doses variables. Schématiquement, 2 grands schémas d’administration sont décrits :

1. de fortes doses, de dérivés méthylés (methylprednisolone ou dexamethasone) pendant un court laps de temps ;

2. de faibles doses d’hydrocortisone administrées pendant 5 à 7 jours.

Une méta-analyse récente clôt le débat en montrant que les études publiées depuis 1998 retrouvent de manière constante une diminution de la mortalité à court terme chez les patients traités par de faibles doses de glucocorticoïdes pendant plusieurs jours (4).

 

·        En pratique

Il n’y a actuellement pas d’indication à l’utilisation des GC à forte dose pour une courte durée chez les patients présentant un sepsis sévère. Il est actuellement recommandé que les patients non répondeurs à un test au Synacthène® et en choc septique réfractaire bénéficient du traitement par hydrocortisone à la dose de 200 à 300 mg/j en bolus ou en perfusion continue pendant 5 à 7 jours. Il est légitime d’entreprendre le traitement dès le test au Synacthène® pratiqué et sans en attendre le résultat.

 

1.         Annane D, Sebille V, Troche G, Raphael JC, Gajdos P, Bellissant E. A 3-level prognostic classification in septic shock based on cortisol levels and cortisol response to corticotropin. Jama. 2000 Feb 23;283(8):1038-45.

2.         Annane D, Sebille V, Charpentier C, Bollaert PE, Francois B, Korach JM, et al. Effect of treatment with low doses of hydrocortisone and fludrocortisone on mortality in patients with septic shock. Jama. 2002 Aug 21;288(7):862-71.

3.         Sprung CL, Annane D, Keh D, Moreno R, Singer M, Freivogel K, et al. Hydrocortisone therapy for patients with septic shock. N Engl J Med. 2008 Jan 10;358(2):111-24.

4.         Annane D, Bellissant E, Bollaert PE, Briegel J, Confalonieri M, De Gaudio R, et al. Corticosteroids in the treatment of severe sepsis and septic shock in adults: a systematic review. Jama. 2009 Jun 10;301(22):2362-75.

 

Question 5 – Existe-t-il d’autres indications des glucocorticoïdes dans les situations de choc en dehors du choc anaphylactique ?

·        Choc hémorragique et traumatique

Une insuffisance surrénalienne a été régulièrement mise en évidence au cours du choc traumatiqueavec ou sans traumatisme crânien, dans le même temps une augmentation des besoins en drogues vasopressives était observée (1, 2). Enfin, une amélioration de la réponse pressive était mise en évidence chez des patients polytraumatisés en choc hémorragique à qui l’on administrait de l’hydrocortisone (2). Ces arguments plaident en faveur d’une administration précoce d’hydrocortisone chez les patients polytraumatisés et atteints d’une ISR. Une étudefrançaise prospective, multicentrique, en double aveugle, contre placebo(étude Hypolyte) a montréque l’hydrocortisone diminue l’incidence des pneumopathies nosocomiales, la durée de ventilation mécanique et la durée de séjour en réanimation chez les polytraumatisés avec ISR (3).Dans ce travail, l’hydrocortisone semblait particulièrement intéressante dans le sous-groupe des patients traumatisés crâniens. Une étude multicentrique randomisée contre placebo est en cours pour préciser la place de l’hydrocortisone à la phase initiale d’un traumatisme crânien grave (étude CORTI-TC, grand prix SFAR 2009).

·        Chirurgie cardiaque sous CEC

Dans une étude randomisée récente, de faibles doses d’hydrocortisone (100 mg d’hydrocortisone puis 10 mg/h pendant 24 heures) avaient un effet favorable sur la durée du support catécholergique et sur la durée de séjour en réanimation. Le traitement entraînait également moins d’épisodes de fibrillation auriculaire dans le groupe traitement par rapport au groupe contrôle (4). Les données de cette étude sont positives alors que les études antérieures ayant utilisé de plus fortes doses de glucocorticoïdes étaient soient négatives soient en défaveur du traitement par glucocorticoïdes. L’utilisation de glucocorticoïdes en chirurgie cardiaque chez des patients à risque est possible à la condition d’utiliser de faibles doses (dose « opothérapique »). Une méta-analyse récente confirme les effets bénéfiques des glucocorticoïdes sur la durée de ventilation mécanique et sur le risque de survenue de fibrillation auriculaire (5). Dans l’attente de données complémentaires, il n’est donc actuellement pas recommandé d’administrer systématiquement des glucocorticoïdes chez des patients bénéficiant d’une chirurgie cardiaque sous CEC.

 

1          Hoen S, Asehnoune K, Brailly-Tabard S, Mazoit JX, Benhamou D, Moine P, et al. Cortisol response to corticotropin stimulation in trauma patients: influence of hemorrhagic shock. Anesthesiology. 2002 Oct;97(4):807-13.

2.         Hoen S, Mazoit JX, Asehnoune K, Brailly-Tabard S, Benhamou D, Moine P, et al. Hydrocortisone increases the sensitivity to alpha1-adrenoceptor stimulation in humans following hemorrhagic shock. Crit Care Med. 2005 Dec;33(12):2737-43.

3.         Roquilly A, Mahe PJ,Seguin P, Guitton C, Floch H, Tellier AC et al. Hydrocortisone therapy for patients with multiple trauma: the randomized controlled HYPOLYTE study.JAMA. 2011 Mar 23;305(12):1201-9

4.         Weis F, Beiras-Fernandez A, Schelling G, Briegel J, Lang P, Hauer D, et al. Stress doses of hydrocortisone in high-risk patients undergoing cardiac surgery: effects on interleukin-6 to interleukin-10 ratio and early outcome. Crit Care Med. 2009 May;37(5):1685-90

5          Ho KM, Tan JA. Benefits and risks of corticosteroid prophylaxis in adult cardiac surgery: a dose-response meta-analysis. Circulation. 2009 Apr 14;119(14):1853-66.